Témoignage de M‑P M‑P a eu 21 ans le 20 février 1212. Elle a un fils, S, de 4 ans. | Actuellement de partout, les gens disent qu’il y a un remède qui est sorti et moi je me demande est-ce que c’est vrai. Il y a ceux qui disent que c’est pour calmer, d’autres qui disent que ça guérit et moi je voudrais savoir la vérité. Donc quand je demande à chaque fois maman elle me dit qu’elle aussi a entendu et elle ne peut pas m’éclaircir. Le SIDA, je me dis que c’est une maladie pas aussi compliquée qu’on le pense parce que c’est dans la tête que ça travaille aussi. Quand tu te mets ça trop dans la tête ça joue sur le corps. Je prends ça donc comme toutes les maladies : maux de tête, mal au ventre… et je vis très bien avec, sans problèmes. Depuis l’âge de 15 ans j’ai fait mon test et jusqu’à aujourd’hui je n’ai jamais pris de Cotril ni d’ARV sauf quand j’étais enceinte. Comme ça si tout le monde pouvait prendre ça légèrement je me dis que ça ne serait pas compliqué puisque c’est facile pour moi. Au moins tu sais comment il faut marcher, comment il faut se prendre. En 2004, le 16 septembre, on est venues de Côte d’Ivoire : maman enceinte de mon petit frère D, mes deux soeurs C et E, et moi, et maman a fait son test mais elle craignait de nous dire qu’elle avait cette maladie. Depuis Abidjan il y avait une série télévisée qui montrait Sida dans la Cité. Et quand on allumait la télé pour regarder cette série, la maman disait NOOOOON c’est contagieux dans la tête, faut pas regarder ça! Après son test, les conseillères lui ont expliqué et elle a compris que c’était quelque chose que l’homme pouvait naître avec ou bien on peut contracter par une autre manière, mais elle avait toujours peur de nous dire jusqu’au jour où elle m’a prise pour aller au centre de dépistage. Dès que je suis arrivée, les conseillères m’ont expliqué, encouragée, et ensuite on a fait le test. Après quand je suis allée retirer mon résultat, il s’est trouvé que c’était positif. Et c’est là que ma maman m’a expliqué ce qu’elle avait et qu’elle cachait. Par contre ma petite soeur E avait ça, mais ma petite soeur C n’était pas au courant de ça. Après les séances de causeries à AED, entre nous les adolescents, C a commencé à comprendre et maman lui a expliqué ce qu’il y avait. Au tout début elle aussi elle se sentait triste parce qu’elle était épargnée, elle était différente, elle sentait sentait qu’on lui cachait quelque chose et donc ça la rendait nerveuse au début. Après, avec le temps, elle a su se maîtriser. Et la grossesse de maman a été bien suivie, mon petit frère D est négatif aussi. Le problème qui est là actuellement, c’est du côté de mon papa. Il refuse d’aller dans les centres de santé pour déclarer sa maladie. Il sait qu’il l’a puisque la maman lui a expliqué quand elle est allée à Abidjan, et ils sont allés au centre de dépistage. Mon papa refuse d’aller dans les hôpitaux alors que pour lui c’est plus grave que pour nous : tout son corps est devenu des boutons. Ils est très très compliqué. Mon fils S n’a rien, il est négatif. Son papa l’a refusé, donc je ne lui parle pas. Je ne l’ai jamais invité à faire son test car jusqu’à présent je suis toujours en colère contre lui. Premièrement au début je ne voulais pas être avec lui mais en Afrique tout est possible. Puis quand j’ai été enceinte je lui en ai parlé et il m’a dit que ce n’était pas de lui, et de me débrouiller. Je l’ai laissé, je n’ai rien dit et je suis restée avec ça jusqu’à six mois avant d’avertir ma maman. Quand j’ai dit, il fallait commencer la pesée, aller dans un centre de santé où on m’a suivie avec l’enfant. Tout a marché. J’ai pris des ARV pour l’enfant, mais après l’accouchement on a arrêté et je suis en bonne santé. Au début quand on m’a causé au centre de dépistage, les dames m’ont demandé s’il se trouvait que c’était positif, qu’est-ce que j’allais faire? Je leur ai dit : rien. Déjà, je savais que si j’étais positive, j’allais prendre ça comme toutes les maladies. Ce n’est pas parce que tu as ça que tu dois mourir forcément. Je me disais que j’avais encore beaucoup à faire, Dieu ne pouvait pas me prendre maintenant. Quand maman me demandait : «Tu te sens bien? Tu es bizarre», je lui disais que je réfléchissais. Je lui disais il y a des gens qui vont se coucher et le lendemain ils refusent de se réveiller : ce n’est pas le sida qui les a tués ni encore moins le virus du VIH. Je lui disais qu’elle n’avait qu’à regarder son frère qui avait perdu sa copine : est-ce que c’est ça qui l’a tuée? Moi j’ai juste vu qu’elle avait mal au corps, c’est tout. Donc je n’ai pas regretté parce que je sais que ça va aller, en plus avec les conseils qu’on m’a donné et le suivi à l’hôpital. Par rapport à ma vie dans le futur, je me disais que j’ai cette maladie et est-ce que je pourrais avoir des enfants? On me répondait oui mais je ne croyais jamais. Mais en fin de compte j’ai vu qu’on pouvait en avoir, beaucoup si on voulait. Actuellement, toutes celles et tous ceux qui sont impliqués ne doivent pas se trier, dire que moi je fais partie du Sud donc je n’ai pas à regarder celui du Nord. Maintenant, ils forment une famille pour moi. Donc ensemble c’est de s’unir et voir comment on va arriver à combattre ça parce qu’il est dit que l’union fait la force, donc je me dis qu’en s’unissant, je suis sûre et certaine que ça va aller. |
Témoignage de N, née le 18/09/1990 : 20 ans, 1m30.
Je suis orpheline de mère. Ma maman est décédée quand j’étais petite. Mes premiers souvenirs c’est quand je faisais la classe de CE1. Mon papa est militaire. Il est au camp. Je lui ai demandé d’aller faire son test de dépistage quand j’ai su pour moi, quand j’avais 17 ans. Il a dit que lui il a déjà fait. Je ne sais pas s’il a fait. Il dit que lui il n’est pas positif.
Je tombais malade chaque fois, depuis longtemps. On m’a emmenée à l’église pour prier pour moi. C’est ma tante qui travaille à AED qui m’a vue, elle s’est approchée de notre pasteur. Elle avait peur de demander à ma grande soeur et à mon père. Le pasteur a demandé à ma grande soeur d’apporter les résultats des examens. En ce temps, mon père s’était rendu compte que j’étais positive, mais il ne m’a pas dit. Ma grande soeur a apporté les examens, il restait un résultat à recevoir, nous sommes allées le lendemain. Là, le docteur a fait sortir ma grande soeur. Il m’a demandé si un garçon m’avait violée. Il m’a posé la question trois fois. Et je lui ai répondu non parce que je ne connaissais pas affaire d’homme d’abord. Et puis il m’a tendu un papier et m’a dit que je pouvais apporter ce papier à la maison. Au cas où j’avais envie je pouvais montrer ça à mon père, au cas où je n’avais pas envie je pouvais garder pour moi seule. Il ne m’a pas dit ce qu’il y avait sur le papier. Il m’a souhaité bonne chance, et je suis sortie de son bureau.
Arrivée à la maison, j’ai montré ça à mon père et mon père m’a rendu tous les examens et lui aussi m’a souhaité bonne chance.
C’est là, arrivée à l’église, le soir du même jour, la tante s’est approchée de nous et a demandé à ma grande soeur si elle avait tous les papiers. Ma grande soeur a dit oui. La tante a pris les papiers et a regardé maintenant : quand elle a fini, elle a dit qu’elle avait besoin d’un seul papier, celui du test. Elle a été la première à voir ce que j’avais.
De là, elle est venue me chercher chez moi à la maison le matin et m’a emmenée à AED, puis à l’hôpital pédiatrique, et de là-bas maintenant on m’a prise en charge. Ils ont fait des examens pour voir et m’ont dit que mes CD4 restaient 18. Ils m’ont mise directement sous traitement, et on avait besoin de mon père pour qu’il signe les documents. On l’a attendu jusqu’à 13h, il dit que lui il travaille. Parce que lui-même il croyait que j’allais mourir. Il ne restait plus que Dr S et puis moi, tout le monde était parti. C’est depuis que je suis sous traitement, jusqu’à aujourd’hui.
Je me sens bien.
Seulement des fois si je pense, mon esprit est troublé, parce que je vois que je suis découragée, ma vie n’a pas de sens. Des fois si je pense à ma mère, je vois que ce n’est pas de sa faute. Même mon petit frère ne sait pas que je suis positive. Je ne sais pas si lui l’est ou pas parce que des fois il m’appelle et il me dit qu’il est malade et je ne sais pas comment lui dire d’aller faire son test. Il est à Gaoua, je ne sais pas comment lui dire ça par téléphone.
J’ai deux soeurs, et puis mon père, et puis ma tanti, et puis deux autres tanti qui sont au courant.
Je vois que je suis la seule dans la famille à être infectée, donc depuis lors des fois je prends mes comprimés, je me décourage et je les dépose. Je vois que ma vie est ruinée, même à l’école, partout. Des fois quand je m’absente pour aller à l’hôpital, on me demande que il y a quoi, le surveillant dit au prof que moi j’ai pris tous ses billets de sortie.
Le lendemain, le professeur de Français me demande qu’est-ce j’ai que je m’absente chaque mois? Et comme j’ai dit que j’avais un problème de santé, il a demandé de quoi il s’agissait. Je ne voulais pas lui dire, je lui ai dit d’aller demander à mon père. Il m’a dit que si moi-même je ne sais ce que j’ai c’est grave, il a dit que j’allais mourir avant tout le monde. Tous les élèves se sont mis à rire, ça m’a donné le courage : je lui ai répondu que peut-être il allait mourir avant moi, que j’allais assister à ses funérailles. A son tour, les élèves se sont mis à se moquer de lui. C’est un monsieur, les gens n’ont pas l’habitude de lui adresser la parole comme ça. Il est grand, il est gros, on a peur de lui, même! Maintenant je sais que moi j’ai le courage.
En tout cas moi je dis à tous les enfants qui sont atteints par le VIH par l’accouchement maternel de se sentir à l’aise, en suivant les conseils de leur docteur. Il n’ont qu’à se sentir comme les autres. Car nous les enfants infectés nous n’avons pas choisi notre destin. Car maintenant moi même je commence à prendre courage. Je rends grâce toujours à Dieu car nos destins lui appartiennent.
Quand j’aurai fini mes études, je veux m’occuper des enfants infectés. Si j’ai les moyens, je veux le faire.
Témoignage de K, 20 ans en février 2012. | Je n’ai pas honte de ma position, je suis fier du milieu que j’ai autour. Je prends la situation telle quelle; telle qu’elle se passe. Je suis seul dans la famille, avec la grand-mère et le grand-père : il n’y a que moi qui reste. Ils ont eu trois enfants, la première c’était ma mère. La deuxième c’est S. et le troisième M. Ma maman n’a eu que moi. J’avais 9 ou 10 ans quand elle est décédée : je faisais le CE1. Elle était malade. Elle n’a pas su qu’elle avait le VIH. Comme ce sont des villageois, ils n’ont pas accepté de faire le test de dépistage pour contrôler leur sang. Mon papa lui il est mort quand j’avais trois ans. Par la suite de maladie aussi. Je tombais malade, beaucoup même : c’est pour cela que mon grand-père a fait le test, pour voir comment est la situation, pour voir pourquoi je tombe beaucoup malade. Ca c’était quand j’avais 12 ans. Quand il a fait le test, il a su que j’étais atteint du VIH, il a couru pour chercher de l’aide, pour chercher une association et finalement c’était AED. J’étais inscrit à lAED en 2003. Il ne m’a pas dit qu’il faisait le test : il a fait ça sans me dire. Après il essayait de me dire mais il ne pouvait pas pour ne pas me faire beaucoup de mal jusqu’au jour, une émission passait à la télé sur le VIH/SIDA et il m’a appelé de venir regarder. Juste à la fin il m’a dit que moi aussi je souffre de cette maladie et j’ai commencé à pleurer : il m’a dit de ne pas pleurer, de prendre la situation telle qu’elle est, que c’est mon destin, que c’est pas moi qui a voulu que la situation devienne comme ça, que c’est la volonté de Dieu. Il essayait de me consoler, quoi, pour ne pas perdre l’espoir! Et moi aussi finalement j’ai compris. Mes grands-parents sont à Bobo maintenant. Je suis quelqu’un qui ne se fâche pas, même si tu parles mal de moi, je prends ça comme si c’est la volonté de Dieu. Les gens me parlent mal un peu : ils disent que je suis maigre, que je suis maladif. Ce ne sont pas les gens de notre cour : ce sont les voisins. Dans la cour, quelques-uns sont au courant maintenant, mais même ma grand-mère ne sait pas. Mon grand-père n’a pas dit. Ma grand-mère elle sait seulement que je suis maladif. Elle me dit de prendre bien mes médicaments, mais elle ne sait pas que c’est le VIH. A l’école, bon, je m’amuse avec mon voisin et mes voisines, on ne me dit pas de mal, on rigole ensemble et ça s’arrête là-bas. J’espère que cette année je puisse trouver le BEPC pour faire des concours pour former mon foyer. Je n’ai pas une copine fidèle d’abord : j’en cherche mais je n’en trouve pas. Le VIH n’est pas un problème. J’ai mis dans mon idée qu’il y a beaucoup de maladies qui tuent les gens comme les méningites, le paludisme : ça tue plus que le VIH même. Ensuite je me suis dit : quand Dieu n’a pas voulu qu’on meure, on ne meurt pas. Il y a d’autres choses qui tuent les gens même : comme les accidents. Je prie Dieu de ne pas trouver un travail qui fait fatiguer beaucoup. Si j’ai le BEPC, être enseignant j’aimerais ça. Le BEPC c’est le 3 juin de cette année. A l’école, je suis autour de la moyenne. Mon grand-père n’est pas très gentil avec moi : depuis que je suis à l’AED, l’AED nous donne l’argent, la nourriture, et lui il ne veut pas me satisfaire. Moi je veux de l’argent pour faire mes besoins et il ne veut pas me donner. Quand je demande, il dit que lui il n’a pas de l’argent. C’est ma grand-mère qui fait tout pour moi. Elle se débrouille, elle fait des petits commerces pour que je mange bien. A présent mon grand-père il n’accepte pas de venir à AED : tout l’argent qu’il a reçu pour moi, il a tout bouffé. On nous avait dit d’ouvrir un compte à la Caisse pour aller déposer mais il est parti enlever tout. Ces deux derniers mois, de fin décembre au 3 mars, l’AED m’a donné 40000 francs donc j’ai déposé ça avec ma tanti. Si j’ai besoin je peux retirer. Tanti m’a dit de ne rien lui dire. Avec tout ça, je ne suis pas fâché contre lui. La question que je me pose souvent c’est est-ce qu’une femme va m’accepter de se marier avec moi avec cette maladie? C’est le problème que j’ai, quoi… |
Témoignage de Yann, infirmier.
Je suis infirmier à AED depuis plus d’une année : je suis arrivé en mars 2011.
Je connaissais l’association et quelques membres car j’ai séjourné au Burkina pendant presque 2 ans mais ce qui était nouveau pour moi, c’était de travailler avec les enfants. Le VIH, je le connais bien et je connais ses ravages et son coté sournois mais lorsqu’il touche des enfants, c’est encore plus injuste.
Mon travail consiste à m’assurer du bien-être des enfants infectés mais aussi affectés par la maladie. Il y en a des centaines mais je ne suis pas seul. Je les vois donc régulièrement, en consultation et j’essaye d’anticiper les problèmes ou les complications. C’est pourquoi j’insiste sur le suivi qui doit être régulier (avec paiement des examens biologiques non gratuits au Burkina Faso et donc assurés par les associations) et surtout, surtout la prise des traitements, l’observance ! Mais faire comprendre à un enfant de 9 ou 10 ans qu’il doit prendre des traitements matin et soir alors qu’il ne sait pas ce qu’il a et que ce n’est pas le moment de le lui dire… ce n’est pas toujours simple ! Je suis aidé par toute l’équipe d’AED dévouée aux enfants, les médiatrices et les merveilleuses grand-mères, indispensables, qui assument, à des âges parfois avancés, le suivi de leurs petits enfants orphelins de père et de mère, une génération décimée par le VIH.
Les enfants sont présents tous les jeudis : ils se retrouvent, jouent, peuvent bénéficier de soutien scolaire, de consultations et d’un repas communautaire ! Grand moment d’échanges mais aussi de repérage de ceux qui ne viennent plus depuis quelque temps ! Où sont-ils? Et alerter au besoin …
Puis après le repas, ont lieu des formations sur le brossage des dents ! Chaque enfant repart, après la formation , avec une brosse et du dentifrice. C’est désormais un adolescent, bénéficiaire d’AED, qui est responsable de cette activité. Tous les enfants ont été formés et nous organisons des remises à niveau maintenant, en incluant les mères qui doivent donner l’exemple, évidemment !!
AED vient donc en appui au suivi « classique » des enfants et tente de l’enrichir , de le compléter et de combler les lacunes, à tous niveaux.
Le travail d’infirmier à AED est polyvalent, enrichissant, utile mais c’est avant tout un travail d’équipe et de toute une communauté qui se mobilise pour le bien-être de ces enfants.
Une expérience unique.
DISCOURS POUR LA REMISE DES INSIGNES
DE CHEVALIER DANS L’ORDRE DE LA LEGION D’HONNEUR
A MADAME CHRISTINE KAFANDO
Mercredi 13 avril 2011
Madame Christine KAFANDO,
………
Mesdames, messieurs,
C’est pour moi un grand honneur que de pouvoir décorer ce soir une très grande personnalité de la société civile burkinabè, une femme de tête et de cœur, une citoyenne du Burkina Faso et des causes nobles. Je veux bien entendu vous rendre hommage, Christine KAFANDO.
Avant de retracer votre parcours et les engagements qui sont les vôtres, et de rappeler vos exceptionnelles qualités humaines, je désirerai faire part de quelques remarques préliminaires.
Je souhaiterais vous indiquer que la remise de décoration à laquelle nous allons procéder concrétise vos actions inlassables conduites et menées en faveur de la lutte contre le VIH SIDA et votre total engagement personnel. Je sais que cet engagement n’a pas été facile mais l’essentiel a bien été votre refus d’abdiquer vos valeurs et votre intégrité dans un des combats majeurs de ce siècle quand parfois les obstacles ou les déceptions pouvaient vous décourager.
L’hommage que nous vous rendons ce soir n’a pas d’autre sens que de reconnaître l’exemplarité de votre parcours, de faire en sorte que des engagements tel que le vôtre soient salués à leur juste valeur.
Permettez-moi de faire un bref retour, qui sera inévitablement succinct au regard d’un vécu si dense, tellement il est difficile de résumer votre parcours, votre engagement de militante courageuse dans cette lutte permanente contre le VIH SIDA.
Votre volonté de vous investir pour les autres, les plus faibles ou bien les démunis apparait très tôt, puisque vous aviez choisi d’être éducatrice préscolaire, à Abidjan, puis à Bobo-Dioulasso où vous allez plus particulièrement encadrer des enfants de la rue. Et cela, bien que vos jeunes années vous avaient déjà créé quelques blessures.
1997, vous avez 25 ans, et en plus de la douleur de ne pouvoir avoir d’enfant, vous apprenez votre séropositivité.
Le choc encaissé, vous décidez de devenir membre de l’association de personnes infectées et/ou affectées par le VIH, Responsabilité Espoir Solidarité (REV+).
Dès lors, à travers cette association, vous vous investissez sans ménagement dans l’accompagnement psychosocial des patients vivant avec le VIH. Il s’agissait là d’une nouveauté dans les pays en développement.
Pendant plusieurs années, vous assurez, chaque matin, une permanence médicosociale au CHU de Bobo-Dioulasso, dans le service du Dr Adrien Sawadogo, puis, l’après-midi, au CADI (Centre anonyme de dépistage et d’information), premier centre de dépistage volontaire et anonyme du Burkina Faso.
Femme, vous décidez aussi de devenir mère et vous adoptez un petit Gilles Dorian, bébé de 3 semaines abandonné à l’action sociale. Des jours plus radieux s’annoncent alors, mais cette éclaircie sera de courte durée, car votre situation familiale pâtit également de ce nouvel engagement. Vous n’avez pas encore 30 ans, et votre volonté aurait pu alors flancher.
Mais non, pour cet enfant, votre volonté de vous battre est ravivée, vous continuer le combat, celui contre la maladie, contre la stigmatisation, le rejet et la discrimination : le combat pour la vie. Et comme vous l’avez dit dans une interview : il faut être po-si-tif !
En 2000, vous suivez votre sérologie depuis désormais 4 ans, et vous décidez de révéler votre séropositivité, à visage découvert, dans la salle de conférence de la chambre de commerce, dans le cadre des journées de la santé de Bobo-Dioulasso. Acte très courageux, et qui a suscité un respect général.
Dès lors vous allez être à l’origine d’une multitude de mouvements, de stratégies et d’activités en faveur de la lutte contre le VIH, au Burkina Faso, en France et dans le monde.
Ici, dans votre pays, dès 2001 vous êtes nommée comme représentante des Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH). Vous créez en 2003 l’association « Espoir pour demain » selon le modèle du DR Sawadogo pour les patients adultes. Cette association devient rapidement une structure de référence dans la prévention de la transmission mère-enfant. En 2004, vous êtes Présidente de la Maison des Associations de lutte contre le Sida (MAS) qui regroupe plus de 110 associations. En 2008 vous êtes membre fondateur de la Coalition des Réseaux et Associations Burkinabè de lutte contre le sida et la promotion de la santé. Vous êtes aussi à cette époque membre de l’Agence Nationale de Recherche sur le Sida (ANRS), en France, pour ne citer que cela.
En parallèle vous avez acquis une réputation hors normes à travers le monde, et particulièrement en France. Militante résolument engagée, vous êtes l’invitée de marque de nombreuses manifestations internationales où vous présentez le visage d’une Afrique entreprenante et battante.
Vous avez été amené à rencontrer nombre de personnalités d’envergure internationale parmi lesquelles le Président Jacques Chirac, qui en 2006 vous invite à New-York pour le lancement officiel du programme UNITAID, en présence de l’ancien Président Bill Clinton. Il vous invitera à nouveau en 2007, en France cette fois-ci, au Forum « Afrique à venir », en prélude au sommet Afrique-France de Cannes, où vous faite partie des 60 africains – entrepreneurs, acteurs culturels et leaders associatifs-représentant le continent.
Votre participation a également été très active aux conférences internationales sur le SIDA de Barcelone en 2002, de Bangkok en 2004, de Toronto en 2006, Mexico en 2008….Et sur le continent africain également, notamment à la Conférence Internationale sur le Sida et les infections sexuellement transmissibles, à Dakar, en décembre 2008.
Chère Christine KAFANDO, pardonnez-moi de n’avoir pu évoquer ici que quelques aspects — forcément trop limités de votre action. J’ai pris la liberté de le faire, car je sais qu’elle tend tout entière au service de l’autre, à la reconnaissance de la place de chaque être dans une société en mouvement qui doit faire face à une pandémie planétaire, celle du VIH SIDA.
Chère Christine KAFANDO,
En reconnaissance de votre action en faveur de la lutte contre le VIH SIDA,
Au nom du Président de la République,
nous vous remettons les insignes de Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur.
Emmanuel Beth, Ambassadeur de France au Burkina Faso.