Témoignages

Témoi­gnage de M‑P
 
M‑P a eu 21 ans le 20 février der­nier. Elle a un fils, S, de 4 ans.
Actuel­le­ment de par­tout, les gens disent qu’il y a un remède qui est sor­ti et moi je me demande est-ce que c’est vrai. Il y a ceux qui disent que c’est pour cal­mer, d’autres qui disent que ça gué­rit et moi je vou­drais savoir la véri­té.
Donc quand je demande à chaque fois maman elle me dit qu’elle aus­si a enten­du et elle ne peut pas m’éclaircir.
Le SIDA, je me dis que c’est une mala­die pas aus­si com­pli­quée qu’on le pense parce que c’est dans la tête que ça tra­vaille aus­si. Quand tu te mets ça trop dans la tête ça joue sur le corps. Je prends ça donc comme toutes les mala­dies : maux de tête, mal au ventre… et je vis très bien avec, sans pro­blèmes. Depuis l’âge de 15 ans j’ai fait mon test et jusqu’à aujourd’hui je n’ai jamais pris de Cotril ni d’ARV sauf quand j’étais enceinte. Comme ça si tout le monde pou­vait prendre ça légè­re­ment je me dis que ça ne serait pas com­pli­qué puisque c’est facile pour moi. Au moins tu sais com­ment il faut mar­cher, com­ment il faut se prendre.
En 2004, le 16 sep­tembre, on est venues de Côte d’Ivoire : maman enceinte de mon petit frère D, mes deux soeurs C et E, et moi, et maman a fait son test mais elle crai­gnait de nous dire qu’elle avait cette mala­die. Depuis Abid­jan il y avait une série télé­vi­sée qui mon­trait Sida dans la Cité. Et quand on allu­mait la télé pour regar­der cette série, la maman disait NOOOOON c’est conta­gieux dans la tête, faut pas regar­der ça! Après son test, les conseillères lui ont expli­qué et elle a com­pris que c’était quelque chose que l’homme pou­vait naître avec ou bien on peut contrac­ter par une autre manière, mais elle avait tou­jours peur de nous dire jusqu’au jour où elle m’a prise pour aller au centre de dépis­tage. Dès que je suis arri­vée, les conseillères m’ont expli­qué, encou­ra­gée, et ensuite on a fait le test. Après quand je suis allée reti­rer mon résul­tat, il s’est trou­vé que c’était posi­tif. Et c’est là que ma maman m’a expli­qué ce qu’elle avait et qu’elle cachait. Par contre ma petite soeur E avait ça, mais ma petite soeur C n’était pas au cou­rant de ça. Après les séances de cau­se­ries à AED, entre nous les ado­les­cents, C a com­men­cé à com­prendre et maman lui a expli­qué ce qu’il y avait. Au tout début elle aus­si elle se sen­tait triste parce qu’elle était épar­gnée, elle était dif­fé­rente, elle sen­tait sen­tait qu’on lui cachait quelque chose et donc ça la ren­dait ner­veuse au début. Après, avec le temps, elle a su se maî­tri­ser. Et la gros­sesse de maman a été bien sui­vie, mon petit frère D est néga­tif aus­si.
Le pro­blème qui est là actuel­le­ment, c’est du côté de mon papa. Il refuse d’aller dans les centres de san­té pour décla­rer sa mala­die. Il sait qu’il l’a puisque la maman lui a expli­qué quand elle est allée à Abid­jan, et ils sont allés au centre de dépis­tage. Mon papa refuse d’aller dans les hôpi­taux alors que pour lui  c’est plus grave que pour nous : tout son corps est deve­nu des bou­tons. Ils est très très com­pli­qué.
Mon fils S n’a rien, il est néga­tif. Son papa l’a refu­sé, donc je ne lui parle pas. Je ne l’ai jamais invi­té à faire son test car jusqu’à pré­sent je suis tou­jours en colère contre lui. Pre­miè­re­ment au début je ne vou­lais pas être avec lui mais en Afrique tout est pos­sible. Puis quand j’ai été enceinte je lui en ai par­lé et il m’a dit que ce n’était pas de lui, et de me débrouiller. Je l’ai lais­sé, je n’ai rien dit et je suis res­tée avec ça jusqu’à six mois avant d’avertir ma maman. Quand j’ai dit, il fal­lait com­men­cer la pesée, aller dans un centre de san­té où on m’a sui­vie avec l’enfant. Tout a mar­ché. J’ai pris des ARV pour l’enfant, mais après l’accouchement on a arrê­té et je suis en bonne san­té.
Au début quand on m’a cau­sé au centre de dépis­tage, les dames m’ont deman­dé s’il se trou­vait que c’était posi­tif, qu’est-ce que j’allais faire? Je leur ai dit : rien. Déjà, je savais que si j’étais posi­tive, j’allais prendre ça comme toutes les mala­dies. Ce n’est pas parce que tu as ça que tu dois mou­rir for­cé­ment. Je me disais que j’avais encore beau­coup à faire, Dieu ne pou­vait pas me prendre main­te­nant. Quand maman me deman­dait : «Tu te sens bien? Tu es bizarre», je lui disais que je réflé­chis­sais. Je lui disais il y a des gens qui vont se cou­cher et le len­de­main ils refusent de se réveiller : ce n’est pas le sida qui les a tués ni encore moins le virus du VIH. Je lui disais qu’elle n’avait qu’à regar­der son frère qui avait per­du sa copine : est-ce que c’est ça qui l’a tuée? Moi j’ai juste vu qu’elle avait mal au corps, c’est tout. Donc je n’ai pas regret­té parce que je sais que ça va aller, en plus avec les conseils qu’on m’a don­né et le sui­vi à l’hôpital.
Par rap­port à ma vie dans le futur, je me disais que j’ai cette mala­die et est-ce que je pour­rais avoir des enfants? On me répon­dait oui mais je ne croyais jamais. Mais en fin de compte j’ai vu qu’on pou­vait en avoir, beau­coup si on vou­lait. Actuel­le­ment, toutes celles et tous ceux qui sont impli­qués ne doivent pas se trier, dire que moi je fais par­tie du Sud donc je n’ai pas à regar­der celui du Nord. Main­te­nant, ils forment une famille pour moi. Donc ensemble c’est de s’unir et voir com­ment on va arri­ver à com­battre ça parce qu’il est dit que l’union fait la force, donc je me dis qu’en s’unissant, je suis sûre et cer­taine que ça va aller.

Témoignage de N, née le 18/09/1990 : 20 ans, 1m30.

Je suis orphe­line de mère. Ma maman est décé­dée quand j’étais petite. Mes pre­miers sou­ve­nirs c’est quand je fai­sais la classe de CE1. Mon papa est mili­taire. Il est au camp. Je lui ai deman­dé d’aller faire son test de dépis­tage quand j’ai su pour moi, quand j’avais 17 ans. Il a dit que lui il a déjà fait. Je ne sais pas s’il a fait. Il dit que lui il n’est pas posi­tif.
Je tom­bais malade chaque fois, depuis long­temps. On m’a emme­née à l’église pour prier pour moi. C’est ma tante qui tra­vaille à AED qui m’a vue, elle s’est appro­chée de notre pas­teur. Elle avait peur de deman­der à ma grande soeur et à mon père. Le pas­teur a deman­dé à ma grande soeur d’apporter les résul­tats des exa­mens. En ce temps, mon père s’était ren­du compte que j’étais posi­tive, mais il ne m’a pas dit. Ma grande soeur a appor­té les exa­mens, il res­tait un résul­tat à rece­voir, nous sommes allées le len­de­main. Là, le doc­teur a fait sor­tir ma grande soeur. Il m’a deman­dé si un gar­çon m’avait vio­lée. Il m’a posé la ques­tion trois fois. Et je lui ai répon­du non parce que je ne connais­sais pas affaire d’homme d’abord. Et puis il m’a ten­du un papier et m’a dit que je pou­vais appor­ter ce papier à la mai­son. Au cas où j’avais envie je pou­vais mon­trer ça à mon père, au cas où je n’avais pas envie je pou­vais gar­der pour moi seule. Il ne m’a pas dit ce qu’il y avait sur le papier. Il m’a sou­hai­té bonne chance, et je suis sor­tie de son bureau.
Arri­vée à la mai­son, j’ai mon­tré ça à mon père et mon père m’a ren­du tous les exa­mens et lui aus­si m’a sou­hai­té bonne chance.
C’est là, arri­vée à l’église, le soir du même jour, la tante s’est appro­chée de nous et a deman­dé à ma grande soeur si elle avait tous les papiers. Ma grande soeur a dit oui. La tante a pris les papiers et a regar­dé main­te­nant : quand elle a fini, elle a dit qu’elle avait besoin d’un seul papier, celui du test. Elle a été la pre­mière à voir ce que j’avais.
De là, elle est venue me cher­cher chez moi à la mai­son le matin et m’a emme­née à AED, puis à l’hôpital pédia­trique, et de là-bas main­te­nant on m’a prise en charge. Ils ont fait des exa­mens pour voir et m’ont dit que mes CD4 res­taient 18. Ils m’ont mise direc­te­ment sous trai­te­ment, et on avait besoin de mon père pour qu’il signe les docu­ments. On l’a atten­du jusqu’à 13h, il dit que lui il tra­vaille. Parce que lui-même il croyait que j’allais mou­rir. Il ne res­tait plus que Dr S et puis moi, tout le monde était par­ti. C’est depuis que je suis sous trai­te­ment, jusqu’à aujourd’hui.
Je me sens bien.
Seule­ment des fois si je pense, mon esprit est trou­blé, parce que je vois que je suis décou­ra­gée, ma vie n’a pas de sens. Des fois si je pense à ma mère, je vois que ce n’est pas de sa faute. Même mon petit frère ne sait pas que je suis posi­tive. Je ne sais pas si lui l’est ou pas parce que des fois il m’appelle et il me dit qu’il est malade et je ne sais pas com­ment lui dire d’aller faire son test. Il est à Gaoua, je ne sais pas com­ment lui dire ça par télé­phone.
J’ai deux soeurs, et puis mon père, et puis ma tan­ti, et puis deux autres tan­ti qui sont au cou­rant.
Je vois que je suis la seule dans la famille à être infec­tée, donc depuis lors des fois je prends mes com­pri­més, je me décou­rage et je les dépose. Je vois que ma vie est rui­née, même à l’école, par­tout. Des fois quand je m’absente pour aller à l’hôpital, on me demande que il y a quoi, le sur­veillant dit au prof que moi j’ai pris tous ses billets de sor­tie. 
Le len­de­main, le pro­fes­seur de Fran­çais me demande qu’est-ce j’ai que je m’absente chaque mois? Et comme j’ai dit que j’avais un pro­blème de san­té, il a deman­dé de quoi il s’agissait. Je ne vou­lais pas lui dire, je lui ai dit d’aller deman­der à mon père. Il m’a dit que si moi-même je ne sais ce que j’ai c’est grave, il a dit que j’allais mou­rir avant tout le monde. Tous les élèves se sont mis à rire, ça m’a don­né le cou­rage : je lui ai répon­du que peut-être il allait mou­rir avant moi, que j’allais assis­ter à ses funé­railles. A son tour, les élèves se sont mis à se moquer de lui. C’est un mon­sieur, les gens n’ont pas l’habitude de lui adres­ser la parole comme ça. Il est grand, il est gros, on a peur de lui, même! Main­te­nant je sais que moi j’ai le cou­rage.
En tout cas moi je dis à tous les enfants qui sont atteints par le VIH par l’accouchement mater­nel de se sen­tir à l’aise, en sui­vant les conseils de leur doc­teur. Il n’ont qu’à se sen­tir comme les autres. Car nous les enfants infec­tés nous n’avons pas choi­si notre des­tin. Car main­te­nant moi même je com­mence à prendre cou­rage. Je rends grâce tou­jours à Dieu car nos des­tins lui appar­tiennent.
Quand j’aurai fini mes études, je veux m’occuper des enfants infec­tés. Si j’ai les moyens, je veux le faire.


Témoi­gnage de K, 20 ans cette année le 13 février.
 
Je n’ai pas honte de ma posi­tion, je suis fier du milieu que j’ai autour. Je prends la situa­tion telle quelle; telle qu’elle se passe. Je suis seul dans la famille, avec la grand-mère et le grand-père : il n’y a que moi qui reste. Ils ont eu trois enfants, la pre­mière c’était ma mère. La deuxième c’est S. et le troi­sième M. Ma maman n’a eu que moi. J’avais 9 ou 10 ans quand elle est décé­dée : je fai­sais le CE1. Elle était malade. Elle n’a pas su qu’elle avait le VIH. Comme ce sont des vil­la­geois, ils n’ont pas accep­té de faire le test de dépis­tage pour contrô­ler leur sang. Mon papa lui il est mort quand j’avais trois ans. Par la suite de mala­die aus­si.
Je tom­bais malade, beau­coup même : c’est pour cela que mon grand-père a fait le test, pour voir com­ment est la situa­tion, pour voir pour­quoi je tombe beau­coup malade. Ca c’était quand j’avais 12 ans. Quand il a fait le test, il a su que j’étais atteint du VIH, il a cou­ru pour cher­cher de l’aide, pour cher­cher une asso­cia­tion et fina­le­ment c’était AED. J’étais ins­crit à lAED en 2003.
Il ne m’a pas dit qu’il fai­sait le test : il a fait ça sans me dire. Après il essayait de me dire mais il ne pou­vait pas pour ne pas me faire beau­coup de mal jusqu’au jour, une émis­sion pas­sait à la télé sur le VIH/SIDA et il m’a appe­lé de venir regar­der. Juste à la fin il  m’a dit que moi aus­si je souffre de cette mala­die et j’ai com­men­cé à pleu­rer : il m’a dit de ne pas pleu­rer, de prendre la situa­tion telle qu’elle est, que c’est mon des­tin, que c’est pas moi qui a vou­lu que la situa­tion devienne comme ça, que c’est la volon­té de Dieu. Il essayait de me conso­ler, quoi, pour ne pas perdre l’espoir! Et moi aus­si fina­le­ment j’ai com­pris.
Mes grands-parents sont à Bobo main­te­nant.
Je suis quelqu’un qui ne se fâche pas, même si tu parles mal de moi, je prends ça comme si c’est la volon­té de Dieu. Les gens me parlent mal un peu : ils disent que je suis maigre, que je suis mala­dif. Ce ne sont pas les gens de notre cour : ce sont les voi­sins. Dans la cour, quelques-uns sont au cou­rant main­te­nant, mais même ma grand-mère ne sait pas. Mon grand-père n’a pas dit.
Ma grand-mère elle sait seule­ment que je suis mala­dif. Elle me dit de prendre bien mes médi­ca­ments, mais elle ne sait pas que c’est le VIH.
A l’école, bon, je m’amuse avec mon voi­sin et mes voi­sines, on ne me dit pas de mal, on rigole ensemble et ça s’arrête là-bas.
J’espère que cette année je puisse trou­ver le BEPC pour faire des concours pour for­mer mon foyer. Je n’ai pas une copine fidèle d’abord : j’en cherche mais je n’en trouve pas. Le VIH n’est pas un pro­blème. J’ai mis dans mon idée qu’il y a beau­coup de mala­dies qui tuent les gens comme les ménin­gites, le palu­disme : ça tue plus que le VIH même. Ensuite je me suis dit : quand Dieu n’a pas vou­lu qu’on meure, on ne meurt pas.
Il y a d’autres choses qui tuent les gens même : comme les acci­dents.
Je prie Dieu de ne pas trou­ver un tra­vail qui fait fati­guer beau­coup. Si j’ai le BEPC, être ensei­gnant j’aimerais ça. Le BEPC c’est le 3 juin de cette année. A l’école, je suis autour de la moyenne.
Mon grand-père n’est pas très gen­til avec moi : depuis que je suis à l’AED, l’AED nous donne l’argent, la nour­ri­ture, et lui il ne veut pas me satis­faire. Moi je veux de l’argent pour faire mes besoins et il ne veut pas me don­ner. Quand je demande, il dit que lui il n’a pas de l’argent. C’est ma grand-mère qui fait tout pour moi. Elle se débrouille, elle fait des petits com­merces pour que je mange bien. A pré­sent mon grand-père il n’accepte pas de venir à AED  : tout l’argent qu’il a reçu pour moi, il a tout bouf­fé. On nous avait dit d’ouvrir un compte à la Caisse pour aller dépo­ser mais il est par­ti enle­ver tout.
Ces deux der­niers mois, de fin décembre au 3 mars, l’AED m’a don­né 40000 francs donc j’ai dépo­sé ça avec ma tan­ti. Si j’ai besoin je peux reti­rer. Tan­ti m’a dit de ne rien lui dire.
Avec tout ça, je ne suis pas fâché contre lui.
La ques­tion que je me pose sou­vent c’est est-ce qu’une femme va m’accepter de se marier avec moi avec cette mala­die? C’est le pro­blème que j’ai, quoi…

Témoignage de Yann BREUREC

Je suis infir­mier à AED depuis plus d’une année : je suis arri­vé en mars 2011.
Je connais­sais l’association et quelques membres car j’ai séjour­né au Bur­ki­na pen­dant presque 2 ans mais ce qui était nou­veau pour moi, c’était de tra­vailler avec les enfants. Le VIH, je le connais bien et je connais ses ravages et son coté sour­nois mais lorsqu’il touche des enfants, c’est encore plus injuste.
Mon tra­vail consiste à m’assurer du bien-être des enfants infec­tés mais aus­si affec­tés par la mala­die. Il y en a des cen­taines mais je ne suis pas seul. Je les vois donc régu­liè­re­ment, en consul­ta­tion et j’essaye d’anticiper les pro­blèmes ou les com­pli­ca­tions. C’est pour­quoi j’insiste sur le sui­vi qui doit être régu­lier (avec paie­ment des exa­mens bio­lo­giques non gra­tuits au Bur­ki­na Faso et donc assu­rés par les asso­cia­tions) et sur­tout, sur­tout la prise des trai­te­ments, l’observance ! Mais faire com­prendre à un enfant de 9 ou 10 ans qu’il doit prendre des trai­te­ments matin et soir alors qu’il ne sait pas ce qu’il a et que ce n’est pas le moment de le lui dire… ce n’est pas tou­jours simple ! Je suis aidé par toute l’équipe d’AED dévouée aux enfants, les média­trices et les mer­veilleuses grand-mères, indis­pen­sables, qui assument, à des âges par­fois avan­cés, le sui­vi de leurs petits enfants orphe­lins de père et de mère, une géné­ra­tion déci­mée par le VIH.
Les enfants sont pré­sents tous les jeu­dis : ils se retrouvent, jouent, peuvent béné­fi­cier de sou­tien sco­laire, de consul­ta­tions et d’un repas com­mu­nau­taire ! Grand moment d’échanges mais aus­si de repé­rage de ceux qui ne viennent plus depuis quelque temps ! Où sont-ils? Et aler­ter au besoin …
Puis après le repas, ont lieu des for­ma­tions sur le bros­sage des dents ! Chaque enfant repart, après la for­ma­tion , avec une brosse et du den­ti­frice. C’est désor­mais un ado­les­cent, béné­fi­ciaire d’AED, qui est res­pon­sable de cette acti­vi­té. Tous les enfants ont été for­més et nous orga­ni­sons des remises à niveau main­te­nant, en incluant les mères qui doivent don­ner l’exemple, évi­dem­ment !!
AED vient donc en appui au sui­vi « clas­sique » des enfants et tente de l’enrichir , de le com­plé­ter et de com­bler les lacunes, à tous niveaux.
Le tra­vail d’infirmier à AED est poly­va­lent, enri­chis­sant, utile mais c’est avant tout un tra­vail d’équipe et de toute une com­mu­nau­té qui se mobi­lise pour le bien-être de ces enfants.
Une expé­rience unique.

DISCOURS POUR LA REMISE DES INSIGNES
DE CHEVALIER DANS L’ORDRE DE LA LEGION D’HONNEUR

A MADAME CHRISTINE KAFANDO
Mer­cre­di 13 avril 2011

Madame Chris­tine KAFANDO,
………
Mes­dames, mes­sieurs,


C’est  pour moi un grand hon­neur que de pou­voir déco­rer ce soir une très grande per­son­na­li­té de la socié­té civile bur­ki­na­bè, une femme de tête et de cœur, une citoyenne du Bur­ki­na Faso et des causes nobles. Je veux bien enten­du vous rendre hom­mage, Chris­tine KAFANDO.

Avant de retra­cer votre par­cours et les enga­ge­ments qui sont les vôtres, et de rap­pe­ler vos excep­tion­nelles qua­li­tés humaines, je dési­re­rai faire part de quelques remarques pré­li­mi­naires.

Je sou­hai­te­rais vous indi­quer que la remise de déco­ra­tion à laquelle nous allons pro­cé­der concré­tise vos actions inlas­sables conduites et menées en faveur de la lutte contre le VIH SIDA et votre total enga­ge­ment per­son­nel. Je sais que cet enga­ge­ment n’a pas été facile mais l’essentiel a bien été votre refus d’abdiquer vos valeurs et votre inté­gri­té dans un des com­bats majeurs de ce siècle quand par­fois les obs­tacles ou les décep­tions pou­vaient vous décou­ra­ger.

L’hommage que nous vous ren­dons ce soir n’a pas d’autre sens que de recon­naître l’exemplarité de votre par­cours, de faire en sorte que des enga­ge­ments tel que le vôtre soient salués à leur juste valeur.

Per­met­tez-moi de faire un bref retour, qui sera inévi­ta­ble­ment suc­cinct au regard d’un vécu si dense, tel­le­ment il est dif­fi­cile de résu­mer votre par­cours, votre enga­ge­ment de mili­tante cou­ra­geuse dans cette lutte per­ma­nente contre le VIH SIDA.

Votre volon­té de vous inves­tir pour les autres, les plus faibles ou bien les dému­nis appa­rait très tôt, puisque vous aviez choi­si d’être édu­ca­trice pré­sco­laire, à Abid­jan, puis à Bobo-Diou­las­so où vous allez plus par­ti­cu­liè­re­ment enca­drer des enfants de la rue. Et cela, bien que vos jeunes années vous avaient déjà créé quelques bles­sures.

1997, vous avez 25 ans, et en plus de la dou­leur de ne pou­voir avoir d’enfant, vous appre­nez votre séro­po­si­ti­vi­té.

Le choc encais­sé, vous déci­dez de deve­nir membre de l’association de per­sonnes infec­tées et/ou affec­tées par le VIH, Res­pon­sa­bi­li­té Espoir Soli­da­ri­té (REV+).


Dès lors, à tra­vers cette asso­cia­tion, vous vous inves­tis­sez sans ména­ge­ment dans l’accompagnement psy­cho­so­cial des patients vivant avec le VIH. Il s’agissait là d’une nou­veau­té dans les pays en déve­lop­pe­ment.

Pen­dant plu­sieurs années, vous assu­rez, chaque matin, une per­ma­nence médi­co­so­ciale au CHU de Bobo-Diou­las­so, dans le ser­vice du Dr Adrien Sawa­do­go, puis, l’après-midi, au CADI (Centre ano­nyme de dépis­tage et d’information), pre­mier centre de dépis­tage volon­taire et ano­nyme du Bur­ki­na Faso.

Femme, vous déci­dez aus­si de deve­nir mère et vous adop­tez un petit Gilles Dorian, bébé de 3 semaines aban­don­né à l’action sociale. Des jours plus radieux s’annoncent alors, mais cette éclair­cie sera de courte durée, car votre situa­tion fami­liale pâtit éga­le­ment de ce nou­vel enga­ge­ment. Vous n’avez pas encore 30 ans, et votre volon­té aurait pu alors flan­cher.

Mais non, pour cet enfant, votre volon­té de vous battre est ravi­vée, vous conti­nuer le com­bat, celui contre la mala­die, contre la stig­ma­ti­sa­tion, le rejet et la dis­cri­mi­na­tion : le com­bat pour la vie. Et comme vous l’avez dit dans une inter­view : il faut   être po-si-tif !


En 2000, vous sui­vez votre séro­lo­gie depuis désor­mais 4 ans, et vous déci­dez de révé­ler votre séro­po­si­ti­vi­té, à visage décou­vert, dans la salle de confé­rence de la chambre de com­merce, dans le cadre des jour­nées de la san­té de Bobo-Diou­las­so. Acte très cou­ra­geux, et qui a sus­ci­té un res­pect géné­ral.

Dès lors vous allez être à l’origine d’une mul­ti­tude de mou­ve­ments, de stra­té­gies et d’activités en faveur de la lutte contre le VIH, au Bur­ki­na Faso, en France et dans le monde.

Ici, dans votre pays, dès 2001 vous êtes nom­mée comme repré­sen­tante des Per­sonnes Vivant avec le VIH (PVVIH). Vous créez en 2003 l’association « Espoir pour demain » selon le modèle du DR Sawa­do­go pour les patients adultes. Cette asso­cia­tion devient rapi­de­ment une struc­ture de réfé­rence dans la pré­ven­tion de la trans­mis­sion mère-enfant. En 2004, vous êtes Pré­si­dente de la Mai­son des Asso­cia­tions de lutte contre le Sida (MAS) qui regroupe plus de 110 asso­cia­tions. En 2008 vous êtes membre fon­da­teur de la Coa­li­tion des Réseaux et Asso­cia­tions Bur­ki­na­bè de lutte contre le sida et la pro­mo­tion de la san­té. Vous êtes aus­si à cette époque membre de l’Agence Natio­nale de Recherche sur le Sida (ANRS), en France, pour ne citer que cela.


En paral­lèle vous avez acquis une répu­ta­tion hors normes à tra­vers le monde, et par­ti­cu­liè­re­ment en France. Mili­tante réso­lu­ment enga­gée, vous êtes l’invitée de marque de nom­breuses mani­fes­ta­tions inter­na­tio­nales où vous pré­sen­tez le visage d’une Afrique entre­pre­nante et bat­tante.

Vous avez été ame­né à ren­con­trer nombre de per­son­na­li­tés d’envergure inter­na­tio­nale par­mi les­quelles le Pré­sident Jacques Chi­rac, qui en 2006 vous invite à New-York pour le lan­ce­ment offi­ciel du pro­gramme UNITAID, en pré­sence de l’ancien Pré­sident Bill Clin­ton. Il vous invi­te­ra à nou­veau en 2007, en France cette fois-ci, au Forum « Afrique à venir », en pré­lude au som­met Afrique-France de Cannes, où vous faite par­tie des 60 afri­cains – entre­pre­neurs, acteurs cultu­rels et lea­ders asso­cia­tifs-repré­sen­tant le conti­nent.

Votre par­ti­ci­pa­tion a éga­le­ment été très active aux confé­rences inter­na­tio­nales sur le SIDA de Bar­ce­lone en 2002, de Bang­kok en 2004, de Toron­to en 2006, Mexi­co en 2008….Et sur le conti­nent afri­cain éga­le­ment, notam­ment à la Confé­rence Inter­na­tio­nale sur le Sida et les infec­tions sexuel­le­ment trans­mis­sibles, à Dakar, en décembre 2008.


Chère Chris­tine KAFANDO, par­don­nez-moi de n’avoir pu évo­quer ici que quelques aspects — for­cé­ment trop limi­tés de votre action. J’ai pris la liber­té de le faire, car je sais qu’elle tend tout entière au ser­vice de l’autre, à la recon­nais­sance de la place de chaque être dans une socié­té en mou­ve­ment qui doit faire face à une pan­dé­mie pla­né­taire, celle du VIH SIDA.

Chère Chris­tine KAFANDO,
En recon­nais­sance de votre action en faveur de la lutte contre le VIH SIDA,
Au nom du Pré­sident de la Répu­blique,
nous vous remet­tons les insignes de Che­va­lier dans l’Ordre Natio­nal de la Légion d’Honneur.

Emma­nuel Beth, Ambas­sa­deur de France au Bur­ki­na Faso.